dimanche 16 octobre 2016

Gourmandise littéraire : Coupe de fruits Blackwood.



  Ahaha (*rire diabolique à la Vincent Price*), je suis particulièrement content de réussir à tenir le rythme des divers rendez-vous du Challenge Halloween british de Lou & Hilde, jusqu'au billet gourmand d'aujourd'hui : Let's enjoy the Hallowwen Tea Time! Pour l'occasion, j'aurais pu présenter le succulent cake anglais pomme-butternut-flocons d'avoine confectionné ce weekend, mais j'ai préféré rester fidèle à mon bovarisme maladif (il m'atteint comme chacun sait jusque dans ma cuisine) et vous proposer une gourmandise littéraire. Oui, mais donc forcément tirée d'un ouvrage halloweenesque, s'il vous plait!

  Et il y a matière à en faire, des goûters et autres confiseries inspirées de la littérature horrifique : J'ai pensé tout d'abord au goûter des enfants dans Le crime d'Hallowwen d'Agatha Christie, puis au tea time de Manderley dans Rebecca de Daphné du Maurier (malheureusement, le moule nécessaire à la confection de l'Angel Cake, indispensable, n'est pas encore arrivé dans ma boite aux lettres), puis à d'autres délices issus de la littérature fantastique qui auraient tout à fait convenu!
  Malheureusement, par manque de temps (ou absence du moule adéquat...), je réserve ces quelques alléchantes recettes pour les jours prochains et je dois, à ma (presque) grande honte passer par la facilité avec cette recette (très) rapide, mise justement de côté au cas où je n'ai pas la possibilité de remplir plus doctement ma mission culinaire.
  Mais enfin, de quoi s'agit-il donc, allez-vous me demander? Alors voilà : à l'occasion de ce billet gourmand, je vous présente la coupe de fruits assassine qui décima la quasi totalité de la famille Blackwood dans le très gothique et fascinant Nous avons toujours vécu au château.

  Rappelez vous : dans cet étrange roman de Shirley Jackson, Merrycat, sa soeur Constance et leur vieil oncle Julian sont les seuls rescapés d'un repas empoisonné qui a couté la vie à leur illustre famille six ans plus tôt. Depuis cet événement macabre, tous trois vivent isolés dans le prestigieux château familial qui tombe en décrépitude, à l'écart d'un village où on les regarde d'un oeil soupçonneux mêlé de mépris. Pour tous, les deux sœurs sont d'horribles empoisonneuses en puissance, et les rumeurs les plus horribles continuent de circuler sur leur compte.
  Mais parce qu'elles suscitent aussi la curiosité -et parfois la pitié- de quelques vieilles filles charitables, il arrive que certaines s'invitent pour le thé chez les Blackwood. Et là, même avec toute la bonne volonté du monde, les intruses sont rattrapées par la légende urbaine et la réputation des sœurs. Car prendre le thé ou manger sous leur toit renvoie toujours à ce dessert servi six ans auparavant, cette coupe de fruits rouges sucrés à... l'arsenic!

- "De l'arsenic dans le sucrier", dit Mrs Wright, emportée par son ardeur et perdant tout sens du décorum.
- "J'en ai pris, de ce sucre." Oncle Julian secoua son index dans sa direction. " J'en ai mis moi-même sur les mûres. Par chance - et il eut un sourira affable -, le destin est intervenu. Ce jour là, il a fait franchir à certains d'entre nous les portes du trépas. Certains d'entre nous, innocents et ne se doutant de rien, ont fait cet ultime saut dans l'oubli. Les autres ont pris très peu de sucre.
- Je ne mange jamais de mûres", dit Constance ; elle regarda Mrs Wright bien en face et ajouta calmement : " Je mets rarement du sucre sur quoi que ce soit, même encore aujourd'hui."

Nous avons toujours vécu au château, Shirley Jackson, chapitre 2.

"Pourquoi avoir vidé le sucrier?" "Il y avait une araignée à l'intérieur", dit Constance. 

  Malgré l'enquête, les investigations n'auront mené à rien, si ce n'est la certitude que l'arsenic avait été versé dans le sucrier. Pièce à conviction qui n'aura même pas pu être analysée puisque Constance l'avait, selon sa déposition, vidé après avoir trouvé avec horreur une araignée à l'intérieur! Aussi, six ans plus tard, cette funèbre affaire classée, il n'en reste que d'horribles souvenirs qui continuent de hanter tout le village voisin. A l'inverse des Blackwood survivants et de leur étrange état d'esprit, eux qui sembleraient presque s'amuser de leur réputation douteuse en terrifiant encore un peu plus leurs visiteurs.

***

  S'il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une "vraie" recette, cette coupe de fruits des bois servies avec son sucrier est un élément symbolique du l'histoire, au point que j'ai éprouvé le besoin de le recréer, juste pour l'amusement esthétique, pour le clin d’œil livresque.


Ingrédients (pour 4 personnes):

-750 grammes de mélange de fruits rouges et/ou de fruits des bois frais ou surgelés.
 (fraises, framboises, mûres, myrtilles, etc...)
-sucre blanc en poudre.

A vos tabliers!

-Partagez le mélange de fruits dans quatre ramequins ou coupes individuelles.
-Servez frais accompagné de sucre à saupoudrer selon le goût des invités.



  Et maintenant, il ne vous reste plus qu'à déguster ce dessert criminel en vous imaginant dans un délicieusement effrayant manoir gothique à l'abandon, au milieu de l'argenterie poussiéreuse et des boiseries abimées par les ans...



7 commentaires:

  1. Une mise en scène très réussie !

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    1. Merci Nahe, j' aime dresser des tables sorties de mes lectures ^_^

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  2. J'apprécie ce billet ! Gourmandises érudites !

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    1. Je suis content que tu ailes Syl. Au programmes des prochaines gourmandises, tea party de Merrycat Blackwood (cookies aux épices et rhum cake), tea time de Manderley (Angel cake et scones servis par l' affreuse Mrs Danvers), tourtes de Mrs Lovett, et Snapdragon d' Hercule Poirot ;)

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    2. que tu aimes* (arg, faute de frappe).

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  3. Je craque pour cette mise en scène !!!! :-)

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    1. Merci, je suis content que la vaiselle des Blackwood fasse son effet ;)

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