vendredi 10 février 2017

Les désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire - Une série Netflix de Mark Hundis



Les désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire.
( A Series of Unfortunate Events )
 -Saison 1 (2017)-
Une série originale Netflix de Mark Hundis d'après les romans de Lemony Snicket,
produite par Barry Sonnenfeld,
Avec : Neil Patrick Harris, Malina Weissman, Louis Hynes, Preley Smith, Patrick Warburton, K.Todd Freeman, Joan Cusack, Catherine O'hara...


  Le comte Olaf cherche par les plus vils moyens à dépouiller les trois orphelins Violette, Klaus et Prunille de leur héritage. Les enfants doivent se montrer plus malins que lui, mettre en échec ses plans tordus et le reconnaître sous ses pires déguisements, afin de découvrir la vérité sur le mystérieux décès de leurs parents.

***


  Des Désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire, on se souvient de deux choses :
- Une série de romans jeunesse best-seller, célèbre pour son histoire résolument pessimiste, aux péripéties capillotractées et à la narration ironique en diable, jugée correctement intraduisible et fidèlement inadaptable.
- Un film de 90 minutes pour raconter en condensé les intrigues des trois premiers tomes, globalement sympathique quoique trop conformiste, à l'esthétique burtonienne intéressante, mais confirmant aussi le caractère inadaptable des romans.

  Alors quand la chaîne de vidéos à la demande Netflix, connue pour ses créations originales et - il faut l'admettre - souvent réussies, se lance l'an dernier dans le projet d'une série télévisée adaptée des romans de Lemony Snicket, on explose de joie et on croise les doigts pour un résultat à la hauteur des livres, et qui osera pour cela s'écarter des routes bien fréquentées de la mise en scène, quitte à surprendre les téléspectateurs.


  Plus on attendait la diffusion, plus les news de la pré-production faisaient grandir l'impatience : Neil Patrick Harris (Glee, How I meet your mother...) en Comte Olaf, Mark Hundis (showrunner de True Blood), Barry Sonnenfeld ( La famille Addams, MIB, ...ou encore Pushing Daisies!) en producteur exécutif, et... Daniel Handler lui-même (véritable nom de Lemony Snicket) au scénario! Après un premier trailer aux allures de mise en bouche alléchante présenté par l'acteur Patrick Warburton dans le rôle du narrateur méta-fictif (on rappelle que les histoires des orphelins sont racontées par Lemony Snicket, aussi personnage secondaire qui rapporte les faits comme le fruit d'une longue enquête à la recherche des Baudelaire), puis une plus longue qui venait exploser nos compteurs à patience, Netflix a lâché toute sa saison d'un coup. Extase!



  En huit épisodes adaptés des quatre premiers romans (deux par tome), cette réalisation soignée restitue tout le cynisme barré de l’œuvre originale en relevant de pari risqué de ne simplifier ni d'édulcorer sa narration bavarde et son exubérance. La couleur de ce show polymorphe est annoncée dès un générique quasi cacophonique chanté par un Neil Patril "Olaf" Harris -qui n'hésite pas à pousser la chansonnette à plusieurs reprises au cours de la saison- poussant le téléspectateur à se détourner de cette émission catastrophique (lecteur passionné, cette mise en garde te rappellera forcément quelque chose).


  Dès lors, la série se réapproprie les meilleurs éléments croisés dans le film, et ose s'aventurer au-delà pour le plus grand plaisir des fans. Si le résultat, unique en son genre, pourra rebuter les téléspectateurs rodés à des programmes plus classiques, il ravira les lecteurs de Lemony Snicket : tout en élargissant dès le premier épisode la trame narrative de fond pour éviter le format répétitif des premiers tomes, cette version télévisée permet aussi de révéler au compte-goutte les secrets qui tournent autour du comte Olaf et des parents Baudelaire, ajoutant un suspense et des cliffhangers bienvenus.

  La narration si singulière de Lemony Snicket est ici racontée par un Patrick Warburton flegmatique et solennel en toute circonstance, qui apparait soudainement dans le court de l'épisode pour relever la scène de son éternel bavardage tarabiscoté. Bien qu'invisible aux yeux des protagonistes, Patrick "Lemony" Warburton se présente toujours dans une tenue appropriée au décor (en tenue de bain s'il raconte une scène se déroulant sur la plage, ou vêtu en lieu et place du contrôleur du tramway dans lequel voyagent les Baudelaire). Ces nombreuses interventions en mise en abyme, doublées du ton toujours caustique des rebondissements, concourent à restituer à l'écran la distanciation unique des romans d'origine.

 Patrick Warburton, en narrateur qui intervient de façon intempestive et invisible, mais toujours assorti au décor!

  Le visuel, bien qu'anachronique, a la bonne idée de s'éloigner de l'esthétique burtonienne trop convenue du film. Au croisement de plusieurs époques (même si certains références et technologies tendent à situer l'histoire au XXIème siècle, les accessoires, tenues et graphismes renvoient souvent au milieu du XXème siècle), cette série propose un univers au style bien à elle et qui s'amuse de couleurs et de formes contrastées envers et contre tout réalisme. Ce petit côté factice, que l'on perçoit particulièrement dans les pâtés de maisons pastels façon villages de Polly Pocket ou dans le rendu volontairement 'studio' de décors qui semblent reconstitués dans un mouchoir de poche, est parfois renforcé par le recours à l'incrustation numérique. Mais plutôt qu'un défaut, il s'agit là d'éléments visuels qui s'allient à toute l'atmosphère volontairement artificielle et exagérée du show, sorte de pièce de théâtre burlesque filmée ou le nonsense est roi. Oui, on est bien dans une production Sonnenfeld marquée de l'esprit de Pushing Daisies...



  Côté acteurs, en plus du jeu délibérément platonique de Warburton, on retrouve un Neil Patrick Harris en grande forme, voire en grandeS FormeS dans les deux derniers épisodes, qu'il faut attendre pour apprécier véritablement son jeu en le dédifférenciant de celui de Jim Carrey il y a dix ans. Neil Patrick Harris trouve un juste milieu dans son cabotinage et endosse à merveille l'aspect machiavélique du personnage. Concernant le trio d'orphelins, si j'aimais beaucoup celui de la version cinématographique, je me suis surpris à adorer cette fratrie Baudelaire nouvelle génération, avec une mention spéciale pour Louis Hynes en Klaus. Ce gamin a un jeu extra et m'a fait complètement changer d'avis sur le personnage d'intello binoclard que je n'aimais que moyennement dans les romans. (Bon, et puis rien à voir, mais j'adore son style, de ses lunettes vintage à ses fringues gentiment vieillottes). 
  Côté personnages secondaires, on s'amuse des têtes déjà vues - souvent dans la filmographie de Sonnenfeld, décidément - et de leur jeu grand-guignolesque totalement assumé : la juge Abbott est incarnée par la très expressive Joan Cusack ("sœur de", mais surtout connue pour son rôle de nounou folle et criminelle dans La famille Addams), et la Dr Georgina Orwell est jouée par Catherine O'hara, hystérique, qui jouait... la sage juge Abbott de la version 2004 de ces même orphelins! Cette transposition télévisée ajoute également de nouveaux personnages nécessaires à l'exploitation de l'intrigue au format de feuilleton, à l'image de l'excellente secrétaire de Mr Poe, qui nous réserve bien des surprises...

L'intigante secrétaire de Mr Poe (en haut)
Catherine O'Hara et... Neil Patrick Harris très "en formes"!

  Et pour ceux qui se posent la question, bien que les romans d'origine soient estampillés jeunesse, les nombreux clins d’œil et références à la pop culture de cette adaptation permettent plusieurs degrés de lecture, qui rendent la série accessible aux plus jeunes comme aux adultes. Maintenant, on attend de pied ferme la prochaine saison, qu'on espère encore plus riche en scènes chantées, en nonsense, et en folie!

En arrière-plan : la boutique de souvenirs "Memento Morris",
un des nombreux détails à l'humour décalé qui plaira aux adultes.

En bref : Une première saison réussie de cette adaptation de l’œuvre de Daniel "Snicket" Handler. Décalée, caustique et théâtrale, cette production unique en son genre gagne à ne pas se prendre au sérieux et assumer jusqu'au bout sa théâtralité, voire même un petit côté série B cocasse et saugrenu. On est ravi d'apprendre que les saisons 2 et 3 à venir, déjà commandées par Netflix, couvriront la fin de la saga, et on trépigne d'impatience!


2 commentaires:

  1. Hélas, trois fois hélas, cher blogger, je suis au regret d'avouer ce lamentable état : je ne dispose pas de Netflix.

    Ce billet donne très envie de découvrir cette série ; j'avais déjà beaucoup aimé la version ciné avec un trio d'enfants sympathiques poursuivis par un Jim Carrey en roue libre, mal protégés par une Meryl Streep très angoissée.

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  2. C'est ce qui me chagrine un peu avec Netflix : j'ai l'impression que leurs créations originales ne sont diffusées nulle part ailleurs. C'est dommage car cela réduit considérablement le nombre de téléspectateurs potentiels! J'espère une sortie dvd qui permette à tous de profiter de la vf (correcte) mais surtout de la vo (pour le générique, les calembours,...) !

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